Roman vient de trouver un job sur le Paris-Venise. A 30 ans, ce job est une chance étant donné qu'il s'est fait viré de son job de réceptionniste pour avoir permis à des copains d'utiliser les chambres vides de l'hôtel quand ils ramenaient des filles en fin de soirée. Dans le Paris-Venise ses tâches sont simples, mais il se heurte tout de même au trafic de clandestins, aux douaniers scrupuleux ou aux descentes de pickpockets. Mais Roman n'en a cure, quand son projet dépasse de loin toutes les perspectives professionnelles : séduire la belle Juliette, sa nouvelle collègue.
Le ton est allègre, le gars naïf à souhait, anti-héros ordinaire, peu scrupuleux, un homme tellement proche de nous. Les dialogues alertes émaillent le récit :
"-Comment s'est terminée votre dernière aventure professionnelle ?
- Comme une histoire d'amour, monsieur, avec des regrets et quelques jolis souvenirs.
- Vous vous êtes fait virer.
- Oui"
Ce que j'ai moins aimé :
Côté intrigue, c'est un peu mince et ça s'embourbe dans les retards du Paris Venise.
Bilan :
Alors oui c'est frais et moderne mais c'est un peu juste pour marquer les mémoires...
Il s'agit ici du troisième volet de la quadrilogie de Ray Célestin consacrée à retracer l'histoire du jazz et de la mafia pendant cinquante ans au XXème siècle. "Selon un procédé inspiré de l'Oulipo, chacune des quatre parties présente une ville, une décennie, un morceau, une saison, un thème et des conditions météorologiques différentes." explique l'auteur. Il nous entraine cette fois-ci à New-York, en 1947. La mafia règne sur la ville, les familles s'affrontent, et au sein de la famille Luciano, une lutte souterraine s'engage entre Franck Costello et Vito Genovese. La chasse aux communistes s'organise, touchant cette fois-ci Hollywood.
Tous les occupants d'un hôtel de Harlem sont massacrés et le fils de Michael Talbot est accusé du meurtre. Il fait appel à Ida Davis, ancienne détective de l'agence Pinkerton pour l'aider à sortir son fils Tom de prison. Parallèlement Gabriel Leveson, patron d'un club en vogue de Manhattan se retrouve lui aussi mêlé à cette affaire.
Ce que j'ai aimé :
L'auteur a su savamment entremêler faits historiques, personnages connus et personnages fictifs, les frontières sont troubles et accusent son talent. Les personnages sont toujours aussi bien campés, Ida, à un tournant de sa vie, Michael, vieillissant et désarmé face aux accusations qui touchent son fils. Gabriel, englué dans ses relations avec la mafia, et prêt à tout pour préserver sa nièce est, lui aussi, criant de vérité. L'auteur nous plonge dans un monde réaliste, enneigé et brumeux, dans lequel les frontières entre clans, entre vertus et vices, peuvent s'estomper facilement.
Ce que j'ai moins aimé :
- Des longueurs
- La présence de Louis Armstrong et du jazz est discrète par rapport aux autres tomes.
Bilan :
Un bon roman, assez sombre, mais j'ai préféré les tomes précédents Carnaval etMascarade
Henri se rend sur l' île de Batz en Bretagne, dans le but de retrouver Youna, femme qu'il a aimée jadis. Il passera vingt-quatre heures sur l'île, rencontrera quelques silhouettes, errera, cotoiera Youna, pour finalement repartir, seul.
Ce délicat roman est construit comme un plan séquence cinématographique, s'attachant à un personnage, Henri, puis un pêcheur, puis un fermier, un cuisinier ou même un chat, au fil des errances de la narration, qui revient toujours à ce personnage principal, Henri. Celui ci est peintre et l'île et ses couleurs nous apparaissent sous ses yeux. L'écriture de l'auteure procède en effet par touches impressionnistes, s'attachant davantage aux sensations qu'à une description réaliste du lieu. Cette façon de raconter si particulière, par touches fines, n'est pas sans rappeler celle de Virginia Woolf.
Sophie Van der Linden nous plonge dans cette Bretagne du début du XXème siècle, et nous emporte hors du temps, dans un temps suspendu entre terre et mer, loin de l'Histoire qui, pourtant, risque de surgir subitement. Elle nous fait vivre un moment de grâce, teinté d'éternité...
Ce week-end devait avoir lieu le salon du livre dédié à L'inde. Annulé, rien ne nous empêche de nous plonger malgré tout dans la littérature indienne. Voici mes trois romans préférés :
Un petit livre à s'offrir ou à offrir sans hésiter. Il conjugue des histoires divertissantes et drôles sur les femmes indiennes, et des recettes indiennes savoureuses qui en raviront plus d'un...
Un véritable chef d'oeuvre qui nous fait découvrir effectivement l'Inde sous une autre facette, nous entraînant bien loin des clichés de Bollywood... A lire ABSOLUMENT...
"Tout est question d'équilibre. J'ai avancé comme un funambule sur ma ligne de vie"
En 2007 Mike Horn se lance un pari fou : gravir avec trois amis les quatre 8000 de suite dans l'Himalaya : le Gasherbrum I et II, Broad Peak et K2, ceci sans oxygène et sans cordes. En relatant cette ascension, Mike Horn en profite pour raconter son parcours, du temps où son père l'autorisait à aller où il voulait à la condition qu'il rentre à 18h, aux aventures les plus folles, Latitude zéro, ou 20000 km autour du cercle polaire arctique. Accompagné à distance de sa femme, sa croix du Sud et d'une volonté sans failles, il se heurte aux obstacles pour mieux grandir, parce qu'il porte cet élan vers la liberté en lui.
"Ces dernières années, j'ai parcouru l'Himalaya, j'ai tracé ma route au large de la Somalie, j'ai senti le vent du désert et la présence des talibans, j'ai vu mourir des amis en haute montagne. J'ai eu des hauts et des bas. Des hauts magnifiques et des bas terribles. Mais j'ai gardé le cap. Pour continuer à ressentir ces émotions irremplaçables. Explorer les coins les plus inaccessibles de la planète. Et transmettre aussi aux plus jeunes le goût de la liberté. Cette liberté qui offre un espace infini à la vie."
Il vit au bord du précipice, arpentant "la zone de mort", cette zone située au dessus de 7600 mètres dans laquelle l'être humain doit rester le moins possible, et risque de mourir en quelques minutes. La mort guette à tout moment ceux qui cherchent à se mesurer à cette montagne sauvage et envoutante. Il faut aussi apprendre à renoncer quelquefois face à elle, en écoutant son corps et son instinct. Une personne sur 4 ne revient pas de l'ascension mythique du K2. Les fenêtres météorologiques sont étroites pour tenter l'aventure, et aujourd'hui encore, malgré plusieurs tentatives, le K2 résiste encore à Mike Horn... La nature a toujours le dernier mot.
A travers ce récit, cet homme hors du commun nous offre une formidable leçon de vie, tout en grandeur et simplicité :
" Mais l'homme ne doit jamais se sentir plus grand que la vie. Rester humble, vivre simplement, avoir du respect en toutes circonstances, c'est la manière la plus facile d'affronter les problèmes au quotidien. C'est dans la simplicité qu'on trouve les solutions. Comme mon père me l'a toujours dit, et comme je le répète aujourd'hui à mes filles : il faut garder les pieds sur terre pour pouvoir toucher les étoiles."
Le plus : les photographies qui permettent d'illustrer le parcours de cet aventurier de l'extrême !
Le début est somme toute original : alors qu'il vient d'obtenir une ceinture noire de karaté, Hugo Boris rentre chez lui en RER et , témoin d'une altercation, il ne réagit pas, se contentant de tirer la sonnette d'alarme. Cette inertie l'interroge et le pousse à relever par la suite les gestes d'autres personnes, plus courageuses que lui face à une situation inquiétante dans le RER.
"La communauté humaine qui se rassemble pour cette épopée quotidienne donne à voir le meilleur et le pire d'elle-même. Mais dans ce pire, il suffit du courage dune seule personne pour la racheter. Il s'en trouve quelques-uns dans cet herbier, des hommes ou des femmes, pou relever tous les autres. Qu'ils soient ici célébrés."
Si cette mise à nu initiale était sincère, teintée d'humour et pouvait sans doute aboutir à une réflexion enrichissante, par la suite, l'auteur se contente de compiler des scènes vues dans le RER, or si l'on prend le RER tous les jours, quel intérêt de lire notre quotidien, sans transmutation ? Et pour les autres, est-ce destiné à les effrayer pour qu'ils fuient la capitale ? Je n'ai pas compris l'intérêt, je suis passée à côté. Je vais relire Police pour me consoler...
Un beau matin, l'écrivain Antoine Choplin prend la route, non pas sur le chemin de Compostelle, ni sur celui de Stevenson, non, il décide plutôt de parcourir sa propre région l'Isère pour remonter aux sources du fleuve, jusqu'au coeur du massif des Alpes, à plus de 2600 mètres. A contre courant, il remonte le fleuve, arpentant des lieux familiers.
Ce que j'ai moins aimé :
Alors que j'aime beaucoup cet auteur, et que j'apprécie également les récits de voyageurs, j'avoue avoir un avis mitigé sur celui-ci. Les paysages ne m'ont pas fait rêver, le sel des rencontres m'a échappé, et je suis finalement plus ou moins passée à côté de ce récit paradoxalement très statique.
Un beau matin, Ab Stenson, une hors-la-loi débarque chez Garett, jeune homme de 16 ans resté seul chez lui. Poursuivie par le shérif, elle kidnappe Garett pour assurer sa sécurité. Commence alors une cavale aux côtés de cette ravisseuse qui s’avère plus sympathique qui prévu... Garett découvre alors un autre univers, loin d'un père pasteur violent, un monde libre où l'attend sans doute l'amitié et l'amour.
La figure de Ab est très attachante, elle prend le jeune homme sous sa coupe et un lien particulier se lie entre eux. Garett apprend la vie à ses côtés et rapidement, il comprend que la moralité n'est pas toujours là où on l'attend. Ab, personnage hors normes, est détestée non pas tellement en raison de sa violence, mais parce qu'elle ose s'habiller en homme, qu'elle n'a pas fondé de famille, qu'elle préfère vivre une vie d'homme, différente, libre. Elle se rapproche en cela de Meursault chez Camus, être atypique condamné parce qu'il refuse les codes de la société.
Ab est aussi une "étrangère", fréquentant les saloons avec plaisir, sympathisant avec les prostituées, as de la gâchette ... Elle se crée des inimités qui risquent de lui être fatales. Dans ce western passionnant, chaque personnage a ses failles et ses forces, et l'intrigue prenante ne lâche pas son lecteur. Si ce roman est plutôt estampillé de l'étiquette "roman jeunesse", je vous conseille à vous aussi de sortir des cadres et de tenter l'aventure.
Ce recueil de poésie "Korshak" rassemblent des poèmes qui dénoncent l'oppression qui, au fil des siècles, et encore aujourd'hui, peut peser sur certains humains. Qu'il s'agisse d'esclaves dans "Le chant des sept tours", de la pauvreté subie en Haïti dans"Et pourquoi pas la joie", du peuple syrien ou du peuple kurde dans "Seul le vent" ou "Si jamais un jour tu nais", des réfugiés de la jungle de Calais dans "Notre dame des jungles" ou enfin des victimes d'attentats dans "Le serment de Paris", tous sont traversés par le sang et la lumière, sang versé à cause de l'ignominie des hommes, mais lumière d'espoir face à l'humanisme et à l'entraide...
"Et pourquoi pas la joie ?
Au milieu de nos villes escaliers
Où les murs de parpaings suent du béton,
Où les fils électriques dessinent, sur les toits, des ciels d’araignées,
Et pourquoi pas la joie?
Le temps d’une corde à sauter qui fait tourner le monde,
D’un ballon fatigué qui court de jambes en jambes
Et soulève la pauvreté dans les cris d’enfant,
Et pourquoi pas la joie ?
Le pieds dans l’immondice
Mais le regard droit.
C’est notre vie,
Et nous ne pourrons pas la mener tout entière dos plié,
Regard soumis.
Tu es née du ravage, fille,
Les coups de bâton sur nos barrages en bois ont célébré ta venue au monde
Et rien n’a changé, depuis,
Mais pourquoi pas la joie ? "
De très beaux textes qui illustrent à merveille le thème du printemps des poètes de cette année : le courage !
« La vengeance est boiteuse, elle vient à pas lents, mais elle vient. »
L'intrigue se situe au moment où Don Carlos devient Charles Quint, soit le monarque le plus puissant de l'histoire de l'Occident, un moment historique marquant. Mais l'histoire est ici envisagée du point de vue de l'individu, elle s'incarne dans un individu déterminé, ici le personnage de Hernani. Héros romantique par excellence, c'est la passion amoureuse qui le pousse en avant, qui incarne en lui une force qui l'oblige à agir. Au coeur de cette passion, Dona Sol, promise à don Ruy Gomez et également courtisée par le roi Don Carlos, mais amoureuse de Hernani. Ces hommes vont s'affronter, sommés de choisir entre honneur et passion. Mais un roi peut-il ne pas être mauvais ? La souveraineté ne réclame-t-elle pas quelques violences ? Tout comme la vengeance ?
Victor Hugo tire son sujet d'une vieille chronique espagnole et mélange savamment dans sa pièce le grotesque et le sublime, posant ainsi les premiers jalons de son théâtre romantique. Entre février et novembre 1830, la bataille d'Hernani a fait rage chaque soir au Théâtre-Français, opposant les anciens aux modernes, adeptes des romantiques. Quand les uns huaient la pièce, les autres tentaient de la soutenir.
Hernani. Les feux de la rampe. 1830. Source : BnF/Gallica
Non seulement cette pièce est marquante car elle est un tournant dans l'histoire du théâtre français, mais aussi en raison de ses personnages emblématiques à la fois comiques et tragiques, pathétiques, si proches de l'humain.